vendredi 29 février 2008

Coup de gueule administratif -le dernier si tout va bien

Dernier jour du mois, un 29 février de plus, ça n'arrive que tous les quatre ans - oui, oui, je vous assure! Je vais en profiter pour pousser un coup de gueule et mettre la chose de côté...

Il y a une chose que je trouve vraiment nulle en Suisse, c'est la politique familiale. Par exemple, fiscalement, une famille (de parents mariés) avec enfants est défavorisée par rapport aux couples vivant en concubinage. Encore un exemple? Il n'y a pas assez de places en crèche et la volonté politique est de garder les mamans à la maison. Pas toutes peuvent se le permettre, et c'est rapidement le serpent qui se mord la queue.

Mais le pire est la manière dont on traite les familles dont les parents ne sont pas mariés. Quand j'avais demandé à la mairie ce qu'il fallait faire pour faire une reconnaissance de paternité, on m'avait répondu "mariez-vous". Ce n'était pas ma question à ce que je sache? Du coup on a fait une reconnaissance commune en France (ça n'existe pas en Suisse, ça...), qu'on a eu la gentillesse de reconnaître en Suisse, en tant que reconnaissance de paternité, soit. Bon. J'ai voulu avoir un enfant, plus que me marier, alors j'assume. Mais le système me le fait payer au prix fort.

Le bébé est donc reconnu, ce qui évite la mention "père inconnu" dans l'acte de naissance. Mais ça ne donne pas pour autant le statut de père à part entière au père. Il a le devoir d'entretien, mais aucun droit sur son enfant... Imaginez l'urgence médicale: le père arrive aux urgences avec son enfant, mais n'a pas le droit de prendre de décisions médicales... Il faut donc attendre l'arrivée de la mère, ou se plier aux décisions des médecins. Encore? En théorie il n'a même pas le droit de choisir le prénom de son enfant, ce droit n'appartient qu'à madame. De quoi semer la zizanie dans un couple... Pour des couples "faisant ménage commun" (c'est l'expression juridique), je trouve ça franchement ridicule, dégueulasse et révoltant.

Quelques semaines après la naissance de l'enfant, la mère reçoit un courrier du tribunal tutélaire, lui disant qu'il faut que "la contribution à l'entretien de votre enfant par son père soit déterminée", conformément au Code Civil Suisse, ô combien progressiste en la matière. Et sous prétexte que vous n'êtes pas mariés, on s'immisce dans votre vie privée, on vous demande les détails de votre situation financière ainsi que de déterminer qui dépensera combien pour l'entretien de l'enfant. Par contre, on ne vous donne pas de critères pour fixer la somme de la contribution. Et on omet de vous signaler qu'il existe la possibilité de demander l'autorité parentale conjointe.

Nul n'est censé ignorer la loi me direz-vous et on n'a qu'à s'informer. Ce que j'ai fait.

Le service juridique consulté m'a dit qu'il n'était pas nécessaire de déterminer une contribution d'entretien, étant donné que nous vivions ensemble. Bon. Nous en profitons donc pour déposer une requête d'autorité parentale conjointe, que "le tribunal tutélaire peut attribuer aux parents, pour autant que cela soit compatible avec le bien de l'enfant et qu'ils [les parents] soumettent à sa ratification une convention qui détermine leur participation à la prise en charge de l'enfant et à la répartition des frais d'entretien de celui-ci." (Ce que nous n'avons pas fait, sur conseil du service juridique susmentionné, on verra bien ce que ça donnera.) Moi je trouve ça infantilisant et dégradant, du moins pour un couple qui s'entend et vit ensemble. (Je conviens que dans le cas où les parents ne vivent pas ensemble et ne s'entendent pas, ça peut être une protection utile pour l'enfant - mais dans ce cas, le père reconnaît-il volontairement son enfant?)

Je me pose quelques questions: demande-t-on aux couples mariés s'il est vraiment dans l'intérêt de l'enfant d'être sous l'autorité des deux parents? (Pas tous les couples mariés ne sont stables et équilibrés...) Et leur demande-t-on comment ils gèrent leurs relations financières? Là aussi, l'une ou l'autre peut être nettement défavorisé par rapport à son conjoint, et, par exemple, contribuer à l'entretien de la famille, assurer les tâches ménagères, l'éducation de l'enfant, et peut-être même permettre à son conjoint de résider en Suisse, sans que personne ne se soucie de la situation de ces couples-là. Cherchez l'erreur je vous dit. Le mariage est une belle institution, mais il ne résout pas tout et ne garantit pas "naturellement" l'équilibre dans le couple. Tout comme le concubinage n'est pas systématiquement synonyme d'instabilité et de non respect de l'autre.

Légalement et politiquement, la Suisse vit à l'ère "mariage, famille, mère au foyer". Sociologiquement, elle connaît un taux de divorce de 44% (2004), des familles composées, décomposées, recomposées. Et un taux élevé d'enfants nés hors mariage - un sur sept en 2004. (cf. communiqué de presse de l'Office fédéral de la statistique, 24 juin 2005.) Pourquoi ne pas arrêter de mettre des bâtons dans les roues de ces familles?

Ai-je mentionné qu'en signant la reconnaissance prénatale commune en France, nous recevions automatiquement la garde partagée de notre enfant, et nous pouvions ensemble choisir son nom de famille? Mais voilà, nous vivons en Suisse et devons suivre les règles de jeu Suisse.

Mon homme, très philosophe, me dit qu'on est bien ensemble tous les trois et de ne pas m'arrêter à des détails administratifs. Raison de mon exercice d'exorcisme sur la toile.

Une amie, très sage, m'a écrit hier dans un autre contexte: "finalement la vie c'est juste comme ça... beau comme un bébé".

Ils ont tous deux raison. Même si cela ne va pas m'empêcher de me révolter, ne serait-ce qu'en poussant mon coup de gueule dans le cyberespace.

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