jeudi 29 mars 2007

Réflexions sur le travail

Société hyperactive, axée sur la productivité et la course sans fin. Gens au chômage. Ceux qui n'ont pas de travail voudraient en trouver, ceux qui en ont se plaignent souvent du leur.

Femmes et hommes qui travaillent dans des conditions d'esclavage.

Existe-t-il des formes de travail plus dignes que d'autres?

Nous, ici, esclaves aussi parfois. De notre travail, de nos attentes, des pressions, de notre histoire, de notre culture. Ethique protestante, perfectionnisme et autres.

Sans parler de la question de genre. Les femmes approchent-elles le travail différement? Sommes-nous sujettes à une surcharge quasi "naturelle", à vouloir concilier travail, famille, ménage, vie sociale et peut-être nos propres besoins?

Comment ne pas se dispercer?

Tant de questions et un texte relu au hasard d'un calendrier l'autre jour, et quelques réflexions, en toute modestie:

Marthe et Marie, Luc 10, 38-42
Comme ils étaient en route, il entra dans un village et une femme du nom de Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une sœur nommée Marie qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe s'affairait à un service compliqué. Elle survint et dit: «Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m'ait laissée seule à faire le service? Dis-lui donc de m'aider». Le Seigneur lui répondit: «Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. C'est bien Marie qui a choisi la meilleure part; elle ne lui sera pas enlevée».

J'ai souvent lu et relu ce texte, me disant que oui, Marie avait choisi la meilleure part... Mais tout de même, c'est injuste, Marthe elle aussi a sa valeur, ce n'est pas comme si son travail ne valait rien! Sans Marthe à la cuisine, qu'auraient-ils mangé? Qui se serait occupé de tout ce monde? Faut-il dénigrer la femme d'intérieur qui s'occupe de ses hôtes? Faut-il toujours tout lâcher? Chacun n'a-t-il pas sa valeur là où il se trouve? L'essentiel n'est-il pas que chacun fasse ce qu'il a à faire?

Lourd héritage calviniste de la morale du travail: travailler, et travailler dur, montrer qui on est par ce qu'on fait, se donners corps et âme.

La magie des textes bibliques est qu'on peut les lire autant de fois qu'on veut, et on y découvrira toujours quelque chose de nouveau. C'est ce qui m'est arrivé en feuilletant le calendrier de la campagne de carême de pain pour le prochain... Jésus ne demande pas à Marthe de ne pas travailler, il lui demande tout simplement de ne pas être agitée dans son travail. D'un coup, cette Marthe de deuxième classe regagne sa dignité, ce ne sont pas ses efforts qui sont remis en cause, mais son inquiétude et son agitation.

Et qui n'a jamais connu cela? Nous nous laissons tous, à un moment ou à un autre, aller à nos agitations, à nos inquiétudes et à la dispersion. Quelle importance faut-il donner au travail? Ne nous ne trompons-nous pas à travailler trop dur? Quelle est la mesure du travail? Le travail accompli? Le temps à disposition? Autre chose? Qu'on ne trouverait pas dans notre productivité mais ailleurs, dans le tout autre? Se recentrer sur l'unique nécessaire, Sa présence qui nous réconforte, nous inspire et nous amène à nous engager. Cheminement avec Dieu, retour sur l'essence, Sa présence, Son appel. Retrouver l'unité dans le travail. "Que ton action soit visible pour tes serviteurs, et ta splendeur pour leurs fils! Que la douceur du Seigneur notre Dieu soit sur nous! Consolide pour nous l'œuvre de nos mains, oui, consolide cette œuvre de nos mains." (Psaume 90, 16-17)

3 commentaires:

Laurent a dit…

Hello Agnès,

Très intéressante, ton analyse du passage concernant Marthe et Marie, j'y reviendrais peut-être plus tard, j'ai oublié ce que je voulais dire à ce sujet...

Le travail reflète bien des injustices et des inégalités de notre monde occidental. Beaucoup d'enjeux se focalisent autour, de pressions, voire même de raisons de vivre.

Mais l'idéal à mon avis dans ce domaine ne se trouve justement pas dans nos sociétés occidentales.

Oui, je pense qu'il y a une différence entre femmes et hommes vis-à-vis du travail. Les femmes sont plus douées pour certaines choses que les hommes, mais le vrai travail des femmes, par nature, est trop souvent sous-estimé (prendre soin de ses enfants, sa famille).

Bon, je termine par cette citation très connue de Luther King.

A bientôt et bon courage pour le blog, c'est un bon début !

"De toutes parts, nous sommes appelés à travailler sans repos afin d'exceller dans notre carrière. Tout le monde n'est pas fait pour un travail spécialisé ; moins encore parviennent aux hauteurs du génie dans les arts et les sciences ; beaucoup sont appelés à être travailleurs dans les usines, les champs et les rues.

Mais il n'y a pas de travail insignifiant. Tout travail qui aide l'humanité a de la dignité et de l'importance. Il doit donc être entrepris avec une perfection qui ne recule pas devant la peine. Celui qui est appelé à être balayeur de rues doit balayer comme Michel-Ange peignait ou comme Beethoven composait, ou comme Shakespeare écrivait. Il doit balayer les rues si parfaitement que les hôtes des cieux et de la terre s'arrêteront pour dire : "Ici vécut un grand balayeur de rues qui fit bien son travail."

C'est ce que voulait dire Douglas Mallock quand il écrivait :
"Si tu ne peux être pin au sommet du coteau,
Sois broussaille dans la vallée.
Mais sois la meilleure petite broussaille
Au bord du ruisseau.
Sois buisson, si tu ne peux être arbre.
Si tu ne peux être route, sois sentier ;
Si tu ne peux être soleil, sois étoile ;
Ce n'est point par la taille que tu vaincras ;
Sois le meilleur, quoi que tu sois."

Examinez-vous sérieusement afin de découvrir ce pour quoi vous êtes faits, et alors donnez-vous avec passion à son exécution. Ce programme clair conduit à la réalisation de soi dans la longueur d'une vie d'homme."

Martin Luther King

Laurent a dit…

Bon, je reviens au sujet du passage avec Marthe et Marie, et espérant ne pas te froisser, car mon opinion diffère légèrement de celle que tu exprimes, mais bon, j’ai pensé que j’allais quand même mettre mon grain de sel, car tu soulèves une problématique qui m’intéresse.
Bref, pour moi, Marie a effectivement choisi la bonne part.
Dans le nouveau testament et l’enseignement de Jésus, nous retrouvons souvent le conflit entre le matériel et le spirituel.
Jésus nous rappelle constamment ce qui est effectivement le plus important, « la bonne part ».
Son point de vue est différent du point de vue typiquement féminin, qui s’occupe du côté pratique, dont nous avons bien sûr besoin, mais qui hélas s’occupe du plan matériel (« nous avons des invités, que vont-ils manger, boire, il faut les servir, les nourrir», etc.)
Je crois fermement que le Christ est celui qui détient la vérité, et Son enseignement offre la plus grande consistance qui ait jamais été démontrée. Je suis d’accord avec la critique qu’il formule contre Marthe, car elle s’occupe du plan matériel, lequel n’a pas grande importance. J’ai envie d’écrire aucune importance, mais je me retiens…
« C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement » ?

Agnès, comment Notre Seigneur, capable de nourrir 5000 personnes avec le miracle de la multiplication des pains, doit voir Marthe, s’agiter en vain pour des détails matérialistes au lieu de s’occuper du Royaume ?
Dieu sait bien que nous avons besoin de ces choses et elles nous seront données au surplus. Mais en premier il faut s’occuper des choses spirituelles.

Voilà mon point de vue, je pense que Jésus avait l’autorité de formuler toutes les critiques contre certaines personnes, institutions (les hypocrites, scribes, pharisiens…) et Marthe, hélas pour toi, en fait partie.
Tu n’es pas fâchée, hein ????
Avec amitiés,
Laurent

kat a dit…

Ce qui est bien avec les discussions, c'est qu'on n'est pas obligé d'être du même avis, justement!

Donc, Laurent, je suis contente que tu t'exprimes! ;-) Et je te réponds...

Je comprends très bien ce que tu veux dire en mettant l'accent sur le spirituel et je trouve qu'on se disperse bien trop aujourd'hui et dans le contexte social qu'est le nôtre. (Tout comme on se dispersait par le passé, mais je vais parler de nous maintenant, une chose à la fois.) C'est toute l'histoire de l'être humain, tiraillé entre le matériel et le spirituel.

Certains mettent en avant le spirituel en suivant une vie monastique par exemple et ils ont toute mon admiration. Mais qu'en est-il du citoyen moyen, qui est touché par le message de Dieu, mais qui se rend aussi compte qu'il vit dans un système qui lui demande des engagements matériels? Tout simplement: il faut nous nourir, nous habiller, nous occuper de nos enfants (sans entrer dans la thématique des attentes de la société, du travail, etc.). Nous vivons bien dans la société et avec des besoins et des contraintes matérielles. D'où le tiraillement, les difficultés, les doutes, les questionnements, la recherche. C'est tout ce qu'il y a de plus humain. A mon sens, c'est dans la recherche qu'est notre force. Tant que nous sommes en mouvement, en questionnement, en chemin, nous sommes près de Dieu. Notre humanité, c'est justement de nous demander ce que nous faisons du message de Dieu dans nos vies. Pour certains, c'est un renoncement à la vie en société, pour d'autres, c'est d'essayer de vivre en adéquation avec leurs convictions. Et ce n'est pas un chemin facile...
A mon sens, le Royaume commence aujourd’hui, dans nos vies, nous n'avons qu'à tendre la main. C'est à nous de faire des pas en avant, de marcher avec confiance tout en posant nos questions sincères. C'est à petits pas que nous avançons, chacun à son rythme, chacun selon ses moyens. Je ne pense pas que Dieu demande à tout le monde de renoncer au matériel pour s'intéresser au spirituel. Il nous demande de mettre en avant le spirituel, oui, mais dans notre temps et dans notre contexte, dans nos actions dans la société. C'est un peu ma vision du semper reformanda, peut-être que je ferai une entrée sur ce sujet un jour... et je ne pense pas que Marthe soit hypocrite, tant qu'elle garde le coeur et les yeux ouverts et qu'elle se laisse toucher.

Et, comme je le disais déjà, Plus tard, Jésus dira à Marie "Vas vers mes frères", pour éviter qu'elle ne se perde dans la contemplation pure...

Pour moi, le chemin de foi est une recherche d'équilibre entre nos réalités et l'appel de Dieu et il se traduit par des attitudes et aussi par des actions et par un engagement dans la société, chacun à sa manière.

Je m'égare quelque peu, mais j'en reviens tout de même au travail, que ce soit à la maison ou au bureau: tant que nous l'habitons, c'est bien. Je te renvoie à ta citation de Martin Luther King, ou je pense aussi au ora et labora , tiens, un autre sujet à développer une prochaine fois!