jeudi 24 décembre 2015

Cette étrange relation à l'âge

C'est un billet un peu brouillon et décousu que je vous propose ce soir, amis lecteurs. Veuillez m'en excuser. Il me trotte dans la tête depuis... toujours, peut-être. Je n'arrive pas à mettre la forme qu'il faut pour exprimer ma pensée, ce sera donc une mosaïque composée de fragments d'idées.

Étrange notions que celles de l'âge, de la jeunesse ou de la vieillesse. Tout dépend de la perception que nous en avons, je suppose.

Je me souviens qu'à l'école nous avions appris, en cours de biologie probablement, qu'une génération, c'était vingt-cinq ans. J'avais vite fait le calcul, mes parents n'avaient pas vingt-cinq ans de plus que moi. Moins, demanderez-vous? Non, plus. Beaucoup plus. Mais alors, mes parent étaient-ils de la génération de mes grands-parents ou même de mes arrière-grands-parents?

J'avais ce jour-là réalisé que mon père avait à quelques années près le même âge que mes grands-parents maternels. Mais ce n'était pas possible, mon père n'était pas vieux! Il était peut-être à la retraite, mais pas vieux, non. D'ailleurs, mes copains ne me croyaient pas quand je leur apprenais son âge.

La belle-mère de mon cousin, au contraire, était grand-mère à trente-six ans. Quand ma propre mère avait trente-six ans, je n’étais pas encore entrée dans sa vie.

Il n'y a pas si longtemps que ça, je disais à mes amis: "Mais tu es jeune, tu as l'âge de ma sœur." Aujourd'hui, je leur dis: "Je t'interdis de dire que tu es vieux, tu as l'âge de ma sœur." Je t'arrête tout de suite, sœurette, si tu me lis: tu n'es pas vieille.

Je me souviens de cette amie, de vingt-cinq ans mon ainée, qui m'avait demandé où j'avais été en mai 68. Ça m'avait fait sourire. J'avais à peine vingt-cinq ans et nous étions au début des années 2000. Mais finalement, nos parents avaient le même âge, nous connaissions le même type de soucis, pourquoi n'aurait-elle pas eu l'impression que nous avions toutes deux le même âge?

Ah oui, les amis plus âgés que moi, c'est toute une histoire aussi. Probablement que le fait d'avoir grandi dans une fratrie dans laquelle l'écart d'âge était important m'a habituée à fréquenter des gens plus âgés que moi. Adolescente, c'était bien agréable: il y avait toujours quelqu'un pour m'inviter ou me reconduire à la maison à la fin d'une soirée. Plus tard, je suis partie en vacances (officiellement il s'agissait d'un convoi humanitaire) avec une quasi inconnue dont les enfants avaient mon âge. Croyez le ou non, c'étaient les vacances les plus drôles que j'avais passées et une amitié en est née. Je pense aussi à cette amie rencontrée au travail. Elle aussi a des enfants de mon âge. Bien que je me rende tout à fait compte qu'une génération nous sépare, je ne la considère pas du tout comme une figure maternelle, mais comme une amie. Paradoxalement, que la relation entre elle et mes enfants soit celle d'une grand-parentalité virtuelle, comme elle le dit, me semble tout à fait naturel.

Je me souviens, enfant, avoir échangé des lettres avec la fille de mon cousin du côté paternel car c'était elle qui était de la même génération que moi. Ou non? La génération se définissait-elle par rapport à notre place dans l'arbre généalogique ou par notre âge? C'était troublant.

Un été, j'étais partie en vacances avec ma jeune nièce aujourd'hui adulte. Quand on la prenait pour ma fille, je me disais que finalement ça aurait pu être possible. Tout comme ma nièce pourrait avoir des enfants de l'âge de mes enfants après tout.

Je pense à ce papa d'adolescentes qui me dit parfois qu'il est un vieux père, à soixante ans. A soixante ans, mon père était tout juste devenu jeune père d'une petite fille. Mais je pense aussi à cette rêveuse de cinquante ans qui espère le prince charmant. Sauf que le prince charmant ne doit surtout pas être plus âgé qu'elle, parce que plus âgés qu'elle, les hommes sont vieux. (Je prie le papa susmentionné de bien vouloir oublier cette dernière phrase.)

Je pense aussi à cette amie de mon âge dont les enfants prennent leur envol, alors que les miens ont à peine pris le chemin de l'école. Ou à ces mamans très jeunes qui ont des enfants de l'âge des miens. Au jeune médecin de garde aux urgences, qui me fait me sentir vieille. A cette conductrice qui a l'air d'être si jeune mais qui doit être déjà majeure si elle a le droit de s'asseoir derrière le volant.

Vraiment? Serais-je passée du côté des vieux?

Non, non. Je ne suis pas vieille, pas plus qu'il y a quinze ou vingt ans. J'ai acquis de l'expérience. Certains, quand ils parlent de personnes jeunes, pensent à des personnes de mon âge. Même moi, il m'arrive de dire qu'une personne est jeune, elle n'a que quarante ans. (Tiens, ça me rappelle une phrase à propos des gens de l'âge de ma jeune sœur...)

Depuis que je me suis remise au sport (et que celles et ceux qui ont vu le dernier spectacle de Florence Foresti se rassurent, je ne me mettrai pas sérieusement au yoga), je me dis que quand je serai grande, moi aussi je serai en bonne forme physique. Il y a donc encore de l'espoir, je me donne, allez, dix, vingt ans?

jeudi 19 novembre 2015

Il est vrai

Il est vrai que je suis particulièrement touchée quand un petit commerçant d'une commune voisine se fait braquer.
Il est vrai que je suis plus ébranlée par des attentats terroristes se passant dans le pays que j'habite que par ceux perpétrés dans un pays lointain.
Il est vrai que je pense en premier aux amis que j'ai à Paris, et seulement ensuite aux autres Parisiens.
Il est vrai que les miradors entre l'Autriche et la Hongrie m'angoissaient plus que ceux d'autres pays.
Il est vrai que la surveillance soviétique m'inquiétait plus qu'une autre, mon père relisant toute lettre que l'adolescente que j'étais écrivait à la famille derrière le rideau de fer.
Il est vrai que que la guerre en (ex-)Yougoslavie m'avait particulièrement préoccupée, pouvant entendre les tirs du front entre la Serbie et la Croatie quand j'étais chez ma tante.
Il est vrai que je me faisais du souci pour les copains qui faisaient leur service militaire dans un pays qui n'était pas totalement le leur, pris dans un conflit qui n'était pas le leur non plus, beaucoup plus que pour des soldats d'autres pays.
Il est vrai que je suis plus attentive aux événements dans les pays dont sont originaires mes amis et me collègues qu'aux actualités dans les pays avec lesquels je n'ai pas de lien particulier.
Il est vrai que je suis touchée par les choses qui sont proches de moi, de ma vie, de mon quotidien. C'est humain.
Mais il est vrai aussi que je ce qui est humain me touche, par ce lien qui nous relie tous les uns aux autres.
Il est vrai qu'à chaque attentat je suis choquée. Que ce soit à Beyrouth, Bagdad ou Nairobi.
Il est vrai que ma gorge se noue quand je pense à ces parents qui sont prêts à embarquer leur famille sur un bateau surchargé pour traverser une mer inconnue dans l'espoir d'une vie possible.
Il est vrai qu'à chaque éboulement, chaque inondation je dois retenir mes larmes en pensant aux victimes, que ce soit en France ou au Brésil.
Il est vrai qu'à toute mobilisation je pense aux femmes, aux parents, aux amis en souci pour ces êtres aimés partant en guerre.
Il est vrai que quand j'entends parler d'un viol, mon corps se crispe.
Il est vrai que quand je vois des actes de violence physique, je suis paralysée de désespoir.
Il est vrai que la violence verbale me révolte.
Il est vrai que l'injustice me donne envie d'agir.
Il est vrai que la vie m'est chère, autant la mienne que la tienne.
Oui, toi. Qui que tu sois.

mardi 15 septembre 2015

Tétanisée

Ces jours...

où la douleur d'un proche est difficile à supporter,
où la pile de choses pas faites pour cause de jour férié et à terminer de préférence avant le lendemain et l'autre pile de choses à faire pour préparer le lendemain semblent s'agrandir chacune de leur côté,
où les questionnements d'un collègue me prennent aux tripes,
où le malheur du monde semble infini,
où l'exercice de feu tombe au mauvais moment,
où mon perfectionnisme mal placé me retient de travailler - non, je ne peux vraiment pas rendre ce document comme ça - plutôt que de me pousser à faire mieux,
où la fatigue prend mes épaules, ma nuque et mes yeux,
où je n'ai même pas entendu le son de la guitare de mon voisin de couloir,
où j'entends des histoires de trajectoires qui me rendent pensive,
où je suis tétanisée par... Mais par quoi?

Qu'ont-ils donc, ces jours-là?

Rien de plus que les autres finalement... Il suffit de ne pas oublier de respirer, de faire, pas à pas, une chose après l'autre, d'avancer, tant bien que mal, d'avoir le courage de laisser de côté des tâches, de regarder ce qui a été fait, vécu, partagé.

Laisser le flux de la vie reprendre le dessus et reprendre sa place dans mon corps et mon âme.